Nous nous étions donné rendez-vous à 14 h à la Bibliothèque nationale de France (François-Mitterrand ou encore Tolbiac pour les intimes) dans Bercy, un coin plus moderne de Paris. Quatre grandes tours en formes de livres aux quatre coins d’une vaste esplanade en bois. On est censé y avoir une visite guidée de ce haut lieu du patrimoine français. Mais ça s’avère un non-lieu de la visite guidée, une catastrophe, une séance de torture de près de deux heures. M. Collins, notre guide, est un guide qui ne devrait pas être guide : on devrait le guider vers la sortie des guides pour qu’il ne soit plus guide! On a passé 40 minutes (!) debout autour d’une maquette de la BNF pendant que M. Collins bafouillait de digression en digression à propos de l’histoire de la bibliothèque. Après 20 minutes, on en était à 1637… alors que cette nouvelle BNF a été ouverte en 1995! On a passé ensuite un autre 10 minutes devant un panneau indicateur : la section A, c’est pour les livres sur…; la section B, c’est pour… jusqu’à K (sans compter Y!). On a appris notamment qu’il y a des insectes dans le jardin central de la bibliothèque. Intéressant, non? Bref, l’expérience a été très douloureuse, un peu comme aller chez le dentiste se faire arracher toutes les dents une après l’autre (au ralenti). Heureusement qu’on a vu les impressionnants globes de Louis XIV et les coulisses de la BN où de petits conteneurs (alias Télédoc) transportent les livres sur des rail suspendus entre les tours et les espaces de lecture. On a aussi vu les immenses salles de lectures de la recherche au rez-de-jardin : près de 300 mètres (la Tour Eiffel!) de tables et de rayonnages. Impressionnant. Dommage que, rendus là, nous étions dans un état proche de la catatonie. Au secours!
Nous devions ensuite nous précipiter pour se préparer à sortir au célèbre théâtre de La Cartoucherie pour voir une petite pièce de 4 heures de la mythique troupe du Théâtre du Soleil d’Ariane Mnouchkine. Le Chef et l’Éclopée se rendent d’abord au Centre paramédical de matériel médical place St-Michel pour remettre le fidèle fauteuil roulant de Geneviève (le 2e vu que le premier avait été un peu abîmé par les pavés). On se retrouve à la MIJE pour le départ de notre aventure théâtrale qui sera effectivement très théâtrale. Au bout de la ligne de métro 1, à la station Château-de-Vincennes, on est censé prendre une navette qui nous amènera en ce lieu excentrique (dans les deux sens du mot). À l’arrêt, notre Maman à tous aura la joie de rencontrer une charmante vieille dame (voir « La citation du jour » plus bas).
Une fois dans la navette, on vivra notre première expérience théâtrale : on a à peine fait 100 mètres, on est arrêté à l’arrêt (bonne idée, non?) sur le coin de la première rue. On est presque tous assis dans les deux dernières rangées de la navette (un vieil autobus blanc) quand, soudainement, un autobus municipal de la ville de Paris (RATP) nous rentre violemment dans le derrière! Paf! Le pare-brise du bus de la RATP est fracassé et nous, on est secoués. « Vous êtes abîmé(s)? » demande une voix dans la navette bondée. On ne sait pas si ça concerne les gens ou le véhicule. Le chauffeur va s’engueuler avec l’autre chauffeur. Nous, nous devons tous descendre et marcher jusqu’à la Cartoucherie : un bon 15 minutes de marche dans la forêt avec notre Éclopée devenue orpheline de son fauteuil roulant. On la portera pour un petit bout, mais elle y arrivera par elle-même à force de courage.
La Cartoucherie est un endroit magique. De vieux bâtiments, semblables à des casernes ou des granges, sur un ancien champ de tir de l’armée française, ont été repris en main par des troupes de théâtre (le célèbre Théâtre du Soleil d’abord en 1970, puis d’autres troupes : L’Épée de bois, La Tempête…). La réputée metteure en scène, Ariane Mnouchkine, déchire elle-même les billets à l’entrée. Une immense salle nous attend où des centaines de gens sont en train de manger et de boire. Derrière un long comptoir, des acteurs de la troupe (maquillés parfois) nous servent des plats, du pain, du vin, du bonheur… On mange et on boit, assis à gauche et à droite, par terre pour certains, en observant la foule bigarrée de cet endroit enchanteur où la musique, la lumière, créent une ambiance de fête. Puis on se dirige à nos places dans les estrades, sous lesquelles on peut voir les acteurs en train de se maquiller, de s’habiller, de se préparer à la vue de tous. Le spectacle commence en douceur dans la pénombre, puis la lumière vient et l’on voit cette immense scène (un bon 60 m par 60 m) se remplir peu à peu de décors et d’acteurs les plus divers (plus de 30!) habillés à la mode du début du 20e siècle. La pièce, Les naufragés du Fol espoir, librement inspiré d’un roman posthume de Jules Verne et écrite par Hélène Cixous, raconte l’histoire de cinéastes utopistes du temps du muet qui tournent un film au-dessus de la guinguette d’un certain Félix Courage (un noir rigolo… joué par une actrice). La pièce oscille entre le temps du tournage (juillet 1914, juste avant le début de la première Grande guerre) et les scènes du film muet qui se déroulent en 1894 où un ballet complexe de décors magnifiques, d’éclairages étonnants et d’effets spéciaux viennent transformer constamment le paysage de cette histoire qui raconte une aventure incroyable survenue à la suite d’un naufrage près du Cap Horn. Ce serait trop long à raconter… du fait notamment que la pièce était un peu trop longue. Après une première partie fabuleuse, le récit s’essouffle un peu à la fin et l’apothéose finale nous envoie un gros message sur la poursuite du rêve européen de socialisme et de pacifisme universels... Mais bon, on ne s’en plaindra pas, on n’a rien contre la vertu, et on vient de vivre une expérience théâtrale hors de l’ordinaire qui nous accompagnera sur notre trajet de retour dans la navette (un peu endommagée mais encore fonctionnelle), puis dans le métro où un jeune Roméo parisien passablement éméché chante la pomme à notre petite Joanie (alias Juliette).
Voilà, tout est bien qui finit bien! Les stagiaires du Fol espoir sont arrivées à bon port... ou presque.
On a une courte nuit, ponctuée sans doute de rêves de nos aventures parisiennes. Le lendemain matin, pendant notre dernier petit dej pain-au-chocolat-tartine, nos charmants stagiares présentent à leurs accompagnateurs de belles cartes signées, accompagnées de délicieux cadeaux (des terrines, des pâtés,du chocolat! Miam). Ils sont gentils, non? La Maman et le Chef sont touchés.
On repart ensuite avec nos gros bagages dans le métro, puis dans le Roissy-bus en direction de Charles-de-Gaulle. C’est là que j’écris ces dernières lignes, à quelques minutes de l’embarquement pour le vol AF 344 en direction de Montréal.
Photos du jour
M. Collins notre guide à la BNF
(qu'on aurait aimé mettre dans un de ces petits
conteneurs de Télédoc pour l'envoyer faire un tour
dans les tours)
(qu'on aurait aimé mettre dans un de ces petits
conteneurs de Télédoc pour l'envoyer faire un tour
dans les tours)
Les fameux "globes de Louis XIV" à la BNF
Les quatre tours-livres de la BN Tolbiac
vues de la passerelle Simone de Beauvoir
vues de la passerelle Simone de Beauvoir
L'autobus de la RATP qui a percuté notre navette
aux portes de la Cartoucherie
Devant le Théâtre du Soleil au coucher du soleil
La Maman rayonnante et ravie d'être au soleil du théâtre
La petite "salle à manger" du théâtre
Le ventre de Benoît va mieux
(même s'il est à terre)
Les acteurs se préparent sous les estrades
L'affiche de la pièce
(dont on ne pouvait prendre des photos, désolé)
La citation du jour
Il est 18h05. On attend à l’arrêt de la navette pour aller au théâtre de La Cartoucherie. Une vieille dame tout menue et très chic nous dit que les navettes ne commencent qu’à 18h30. Une dame lui dit que non. Pascale essaie de lui expliquer gentiment (mais quelque peu maladroitement) pourquoi les navettes de ce théâtre risquent de venir plus tôt. La vieille chipie rétorque sèchement :
« Votre explication n’est pas valable, MADAME! » Puis elle se retourne brusquement, laissant Pascale un peu (beaucoup) sonnée. Et vlan dans les dents.
La gaffe du jour
De s’être assis dans la rangée arrière de la navette des théâtres de La Cartoucherie, ce qui faisait qu’on était vraiment aux premières loges quand le bus de la RATP est venu percuter notre navette. Bang! Aïe…
Distance parcourue
26 mille et qq pP les deux derniers jours (on ralentit!) toujours selon le podomètre officiel de la Maman. (Plus quelques milliers de kilomètres dans un Airbus 340 le lendemain.)